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Erreur des autorités douanières : quelles conditions pour le non-recouvrement a posteriori des droits ?

Transport - Douane
15/02/2024
Après une synthèse de la jurisprudence relative au non-recouvrement a posteriori des droits de douane dont on ne peut que recommander la lecture, un arrêt de la Cour d’appel de Poitiers du 9 janvier 2024 en examine certaines conditions avec précision et clarté : l’erreur active de la Douane lors d’un contrôle, la complexité de la réglementation, le caractère professionnel de l’opérateur et ses diligences sont passés au crible au profit en l’espèce de ce dernier.
Erreur active de la Douane : cas d’un contrôle
 
Pour bénéficier des dispositions de l’article 220, 2, b de l’ex-CDC (alors applicable) qui ouvre un droit au non-recouvrement a posteriori des droits de douane en cas d’erreur des autorités douanières, un opérateur soutient que la Douane française a commis une « erreur active » en ayant procédé à un premier contrôle (en 2013) sans remettre en cause le classement retenu par lui, puis à un second contrôle (en 2014) le remettant cette fois en cause. La Douane en revanche dénie l'erreur active de sa part : elle n’a pas procédé à la vérification des marchandises, mais s’est contenté « du seul contrôle formel des seules déclarations faites par le commissionnaire du redevable portant sur les marchandises litigieuses, au fonctionnement extrêmement complexe ». Pour le juge, « il ressort de l'avis de résultat de l'enquête notifié par les services des Douanes du Havre [Ndlr : lors du premier contrôle] que ceux-ci ont examiné la documentation fournie par le commissionnaire, comprenant les photos de certaines références, et un tableau de correspondance entre les différences références » et « c'est ainsi après avoir eu en sa possession des éléments lui permettant de vérifier la nature de la marchandise que l'administration a retenu que le classement (...) était conforme à la réglementation » : par conséquent, « cette position de l'administration procède effectivement d'une erreur active de sa part ».
 
Erreur non raisonnablement décelable par l’opérateur : condition relative à la complexité de la réglementation en cause
 
L’affaire porte en l’espèce sur le classement de cartouches d’encre et le juge déduit en substance de l’existence d’arrêts de la CJUE sur leur classement et de RTC délivrés par la Douane française à des tiers les classant suivant leurs caractéristiques sous deux positions différentes « que la détermination du classement tarifaire de l'espèce mobilise une législation indiscutablement complexe ». Et il conforte manifestement son raisonnement par le fait que « les Douanes, dans leurs écritures, en relevant le fonctionnement particulièrement complexe des marchandises litigieuses, dont elles soutiennent qu'elles n'auraient pu le déceler qu'à l'occasion d'un contrôle approfondi (...), viennent ainsi reconnaître la complexité de la législation applicable ».
 
Erreur non raisonnablement décelable par l’opérateur : condition relative à son expérience professionnelle
 
Concernant le caractère professionnel ou expérimenté de la société importatrice, le juge retient que « même si la société ne peut pas être considérée comme un professionnel de la déclaration en douane, il sera observé au regard de son objet, ayant trait au commerce de cartouches d'encre, qu'entre 2012 et 2014, celle-ci a déposé plus de 600 déclarations d'import ou d'export, ainsi que le met en évidence l'enquête fiscale, sans réplique de la part de la redevable », et donc qu’elle doit être « considérée comme un opérateur expérimenté ». Notons qu’il n’est pas courant que le juge soit aussi précis quant aux critères factuels de qualification de professionnel d’un opérateur.
 
Erreur non raisonnablement décelable par l’opérateur : condition relative à ses diligences
 
Pour retenir que l’opérateur a fait preuve de diligences, le juge se fonde sur le fait que le courrier que lui ont adressé les services des Douanes du Havre, validant la position tarifaire qu’il avait déclaré sur les produits litigieux, « fait ressortir que leur notification est postérieure au 18 décembre 2013 » et que, « dès le mois de juin 2014 », il a demandé à la Douane un renseignement tarifaire contraignant (RTC) sur la position de ces produits litigieux. Aussi, toujours selon le juge, « compte tenu du faible laps de temps séparant les résultats du contrôle erroné de la demande de RTC », l’opérateur a justifié de « diligences suffisantes ».
 
Rappelons d’une part que la solution de l’arrêt ici exposé serait la même sous l’empire de l’article 119 du CDU qui, quasiment identique à l’article 220, 2, b précité de l’ex-CDC, a pris sa suite, et d’autre part que ledit arrêt est rendu sur renvoi de la Cour de cassation (Cass. com., 25 janv. 2023, n° 20-18.742 présentée dans Non-recouvrement a posteriori des droits de douane : quand apprécier la bonne foi de l’opérateur ?, Actualités du droit, 1er févr. 2023).
 
 
Source : Actualités du droit