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Nouvelles procédures avec la Douane en 2024 : présentations, calendriers et enjeux pour les opérateurs

Transport - Douane
15/02/2024
L’évolution des procédures douanières en 2024 fait l’objet d’une présentation croisée par la DGDDI et par l’ODASCE lors du Symposium Douane du magazine Classe Export qui s’est tenu le 1er février 2024. Au menu notamment, l’avant-dédouanement, ICS2, ANTES, Delta T, Delta IMPORT... et des conseils opérationnels en nombre.
Michel Baron, le chef de bureau du bureau de la politique du dédouanement à la DGDDI, introduit le calendrier des mises en service des systèmes douaniers en 2024 qui auront forcément des implications pour les opérateurs et leurs clients. Sont concernés l’avant-dédouanement, avec la « release 3 » (traduisons phase 3) de l’ICS2 qui ajoutera, au 3 juin 2024, le vecteur maritime au vecteur aérien déjà concerné, Delta T et Delta IMPORT « qui constitue le plus gros dossier ». Enfin, la preuve du statut UE de la marchandise via l’outil PoUS est signalée : même s’il constitue une « petite brique », sa mise en service au 1er mars 2024 doit être citée.
 
La Douane a pris un certain retard en termes de mise en service des programmes liés à la mise en conformité de son système informatique par rapport aux règles du CDU. Fin 2023 devaient en effet être livrés certains applicatifs, mais pour différentes raisons (notamment liées à la complexité des fonctionnalités mais aussi à celle de ses propres systèmes, de ses solutions techniques), la Douane a dû « se poser quelques mois » et suspendre sa communication à destination des opérateurs mais aussi de ses services. Elle a ainsi passé une partie du second semestre 2023 à stabiliser ses applicatifs et à repartir sur des développements – avec toute la mécanique de recettes et de tests que cela implique – qui soient plus sûrs et de nature à déterminer des dates de mises en service. Aussi, en 2024, différents jalons ou différentes bascules sont à prendre en compte.
 
Mise en service d’applicatifs nouveaux ou mis à niveau
PoUS : 1er mars 2024
 Avant-dédouanement :
  • ANTES : 6 mars 2024
  • ICS2 R3 : 3 juin 2024
 Delta T mis à niveau : NCTS phase 5 : octobre 2024
 Delta IMPORT : novembre 2024
 
Avant-dédouanement : extension d’ICS2 au vecteur maritime et mise en service de ANTES NP DDT (notification de présentation et déclaration de dépôt temporaire)
 
L’avant-dédouanement correspond aux formalités applicables, avant même le chargement de la marchandise dans le pays d’exportation, sur le fret aérien avec la déclaration PLACI de pré-chargement jusqu’à l’attribution du régime douanier. Il n’existe pas là d’outil intégré (le choix de la France n’a jamais été d’avoir un tel outil intégré de bout en bout et c’est de toutes les façons quasi-impossible puisque des outils européens entrent en ligne de compte). Aussi, pour bâtir un process et suivre la marchandise sur tout l’avant-dédouanement, avant l’attribution d’un régime douanier, il faut utiliser des outils pour assurer ce suivi et pour également, et naturellement, que les opérateurs puissent déclarer la marchandise. ICS2, le système de contrôle de sécurité-sûreté qui a remplacé ICS1, est un système qui s’européanise en ce que les déclarations sommaires d’entrée (ENS) sont déposées dans une base européenne. Il y a une mutualisation de l’analyse de ces risques s’agissant de la marchandise destinée à entrer sur le territoire douanier de l’Union (TDU) de son premier point d’entrée à son déchargement effectif, lorsque ce point et le lieu de déchargement diffèrent : les États membres appréhendent ensemble les flux déclaratifs des marchandises qui seront présentées sur le TDU. ICS, la base européenne qui envoie des messages dans les systèmes nationaux, a été mise en place au 1er juillet 2023 sur le fret aérien avec la déclaration de pré-arrivée de la marchandise. La Douane française, comme celles des autres États membres, va mettre en service le module maritime (R3, pour « release 3 », ou phase 3) à compter du 3 juin 2024 (le tour du terrestre viendra en 2025). Ainsi les règles applicables au fret aérien seront étendues au 3 juin prochain au fret maritime, à l’exclusion du fret maritime que constituent les remorques non accompagnées. Celles-ci correspondent notamment à des flux minoritaires avec le Royaume-Uni et on « est en voie de considérer », selon Michel Baron, que ces remorques embarquées sur les ferrys sur la frontière transmanche ou en méditerranée ne soient pas intégrées dès juin 2024 dans ICS2, mais plus tard, au même titre que des marchandises faisant l’objet d’un transport terrestre. L’utilisation de ce système de contrôle qui « embarque » beaucoup plus de données – ICS2 implique 200 données qui s’appuient sur le contrat de transport – depuis le 1er juillet 2023 en matière aérienne représente 5,2 millions d’ENS déposées dans la base centrale pour lesquelles la France est le pays d’arrivée (donc le pays responsable du traitement de la déclaration sûreté-sécurité et donc de l’analyse de risque avec la collaboration des autres États membres qui seraient impliqués, par exemple parce que le déchargement définitif se ferait dans un autre État membre). La phase de montée en charge de la base européenne et également d’enregistrement de certification des opérateurs ne s’est pas faite sans difficulté. La phase de transition du 1er juillet 2023 avait d’ailleurs été prolongée par la Commission européenne jusqu’au 31 octobre 2023 et étendue en matière de fret postal jusqu’au 1er avril 2024 du fait de la complexité de la constitution du dépôt de la déclaration sommaire d’entrée avec la logique du master house et le sujet du multiple-filling permettant à ceux qui reçoivent la marchandise, les handlers par exemple, de compléter l’ENS. Toute cette mécanique a mis « un certain temps » à se mettre en place : la Douane française l’a bien vu du côté des opérateurs puisqu’il lui a fallu les enregistrer, s’agissant de ceux ayant un EORI-FR, sur le portail UMD&DS, ce qui n'a pas été forcément très simple. Quoi qu’il en soit, le système fonctionne aujourd’hui et l’important est que la Douane puisse clôturer ce process. Si le système fonctionne, il mérite toutefois d’être complété dans la mesure où lorsqu’une prescription de contrôle au titre de la sûreté-sécurité est émise, on reste actuellement sur des mécanismes très manuels avec des échanges de mails à destination du handler qui réceptionne la marchandise dans son installation de stockage temporaire (IST) : c’est pour cette raison que, dès les 6 mars 2024 sur l’aérien, puis en juin 2024 sur le maritime, ICS2 importé de la base centrale européenne sera chaîné à l’outil français appelé ANTES qui sera consacré à la gestion du suivi et au contrôle de la marchandise en dépôt temporaire. Le premier volet qui sera mis en place pour clore le processus ICS2 permettra à l’opérateur qui réceptionne la marchandise (compagnie de transport, handler ou commissionnaire) de déposer une notification de présentation (NP) quand la marchandise est déchargée sur les tarmacs (ou en juin prochain sur un terminal portuaire) et de faire une déclaration de dépôt temporaire (DDT) qui acte l’entrée de la marchandise dans cette phase de dépôt temporaire. La surveillance douanière débute au moment de cette notification de présentation.
 
Pourquoi est-il nécessaire de mettre en place ce dispositif de manière prioritaire ? Parce que grâce au dépôt par le détenteur de la marchandise à l’arrivée de cette notification de présentation et de cette déclaration de dépôt temporaire, lorsqu’un contrôle aura été décidé au titre de la sûreté-sécurité par les services d’analyse de risque, le message de notification de contrôle ICS (mais aussi d’absence de contrôle ICS) sera poussé au moment où la DDT aura été déposée dans ANTES par le détenteur de la marchandise. Cette première brique de l’outil ANTES va permettre de clore un processus, mais cela n’ira pas au-delà, c’est-à-dire que la Douane ne va pas suivre la marchandise sous surveillance douanière le temps du dépôt temporaire, dans les 90 jours dans l’attente de l’attribution d’un régime douanier : il s’agit là d’une version sur laquelle cette administration est en train de travailler pour bien déterminer comment cet outil de suivi de la marchandise et des événements qui l’affectent (une cession, des mouvements entre IST, des prélèvements d’échantillon, etc.) pourra les prendre en compte, poussés par le détenteur de la marchandise vers la Douane pour s’assurer d’une part du suivi/de la traçabilité de la marchandise et permettre d’autre part de notifier à l’opérateur un contrôle le cas échéant. Cela sera très « structurant » sur les plateformes portuaires, dans la mesure où aujourd’hui l’outil de gestion du temps de son passage sur une telle plateforme est le Cargo Community System (CCS). Il faut travailler de sorte que l’outil douanier (qui pour le moment n’existe pas), qui s’appuie beaucoup sur le CCS, assure l’interopérabilité entre son système et le système de gestion logistique mais aussi de suivi de la marchandise du point de vue douanier au travers du CCS.
 
ANTES sera mis en service le 6 mars 2024 et des instructions seront aussi diffusées sur ce point pour expliquer ce que sont le process déclaratif ICS2 et les outils. ANTES est à ce jour une solution en EDI seulement : aucun opérateur ne pourra en mars 2024 entrer dans cet outil pour saisir directement ; il faudra avoir recours à un prestataire de connexion. Ce n’est pas très gênant sur le fret aérien où les opérateurs recourent tous à un opérateur de connexion. La Douane est en phase de certification, mais au 6 mars tous ces opérateurs ne seront sans doute pas certifiés. Rassurant, Michel Baron ajoute toutefois que de gros opérateurs de connexion, par exemple FedEx sur Roissy, sont en train de passer les tests pour être agréés afin que leurs solutions fonctionnent avec ANTES.
 
Transit : une mise à niveau de Delta T conforme à NCTS 5
 
Delta T (pour transit) doit être mis en conformité avec le système transeuropéen NCTS. Les autorités douanières doivent pouvoir envoyer un message entre le bureau de départ et celui de destination, ou à un bureau de passage. Delta T permet de faire passer ces messages pour la Douane (de même que pour les opérateurs). Cet outil évolue, embarquant des fonctionnalités de plus en plus importantes dans le sens d’une dématérialisation de tout le process de transit au sein de l’UE. Chaque système national doit être mis en conformité avec l’outil européen. Les échéances sont là très claires et on ne peut pas ne pas les respecter. La date majeure pour les opérateurs et les services douaniers est le 22 janvier 2025 : elle correspond à la fin de la transition de la mise à disposition d’un outil qui permet la conversion de messages d’un standard à un autre standard (l’actuel NCTS 4 comporte un certain standard de message et NCTS 5 comporte aussi un autre standard de message avec des fonctionnalités et tout cela doit être mis en conformité). C’est un gros travail de mise en conformité qui devra être réalisé au plus tard à la fin octobre 2024. Pour les opérateurs en DTI, ce sera un « big bang », selon Michel Baron, car plus de 130 écrans de saisie vont changer. Ceux en solution EDI auront jusqu’au 22 janvier 2025 pour se connecter à l’outil via une solution EDI. En termes d’accompagnement des opérateurs, pour ceux en EDI, la Douane va dès février 2024 les guider au regard de la dernière version du contrat de service opérateurs (CSO) sortie en janvier 2024, avec les tests et la certification.
 
Les nouvelles fonctionnalités de Delta T :
  • dépôt d’une déclaration de transit anticipée ;
  • dématérialisation des demandes de rectification des déclarations de transit (T1 2025) ;
  • dématérialisation des demandes d’invalidation des déclarations de transit ;
  • obligation de renseigner le code SH6 dans les déclarations de transit ;
  • création de deux nouveaux rôles bureaux (bureau incident et rôle sortie transit) ;
  • fin de l’obligation de présenter un document d’accompagnement transit (TAD) papier ;
  • liaisons avec le système de gestion européen de l’export AES pour la procédure d’export suivie de transit (fin 2025).
 Concernant la fin de l’obligation de présenter un TAD papier ci-dessus, un opérateur s’interroge sur la manière dont le statut sous transit de la marchandise pourra être facilement identifié par le destinataire à réception. Catherine Amandio de l’ODASCE précise sur ce point que, s’il n’y aura plus de DAU, le MRN du transit demeurera et pourra être mis sur un document commercial, ce qui demande pour les entreprises une réorganisation des services de réception qui ont l’habitude de leur DAU avec code barre : il faudra donc les sensibiliser au changement de formalisme en adaptant leurs méthodes de travail.
 
Delta T sera à terme chainé avec l’outil de suivi de sortie. Un chainage aura donc lieu pour une exportation suivie de transit : le fait d’avoir une déclaration de transit validée permettra de chainer avec le système export du pays dans lequel la déclaration d’export aura été faite. Ledit chainage aura lieu dans le cadre de la mise en service du module export AES qui n’est pas encore complètement stabilisé côté douane (ce sera pour 2025).
 
Amélioration en cours pour Delta T
Delta T est un « outil qui n’a pas une très bonne réputation » en raison de ses périodes soit d’arrêt, soit d’indisponibilité, avec parfois des problématiques de fiabilité, reconnait Michel Baron. Toutefois, ajoute-t-il, un plan d’action est engagé par la Douane en 2024 pour renforcer sa fiabilité et son caractère opérationnel (afin de limiter ses phases d’indisponibilité). Si cet outil complexe en raison de solutions techniques est lourd à modifier, il va « en tout état de cause s’améliorer ».
 
Delta IMPORT
 
Le temps pris par la Douane pour stabiliser la solution Delta IMPORT a permis d’arriver à une version qui remplacera Delta G et Delta X avec un périmètre iso-fonctionnel par rapport à ce qui existe aujourd’hui dans le fret cargo ou le fret express et qui soit conforme aux exigences du CDU (des mécanismes n’étaient pas tout à fait « raccord » avec les prescriptions réglementaires de ce code). Il n’y a « pas vraiment de révolution », selon Michel Baron, l’élément majeur étant que le DAU disparait au profit d’un « jeu de données ». Ce jeu de données de l’annexe B de l’acte délégué du CDU est harmonisé quels que soient les actes déclaratifs (il n’est pas encore possible de dire quand et comment sera chainé l’ensemble des outils mis à disposition des opérateurs pour accomplir leurs formalités de passage frontière). Ce jeu facilite la reprise de données existantes : par exemple, il sera possible de récupérer les données de l’ENS pour préparer la DDT, ce qui évitera la ressaisie. Dès 2023, la Douane avait diffusé une liste de correspondance (toujours valide) des cases du DAU et du jeu de données. Depuis, un masque, un modèle de déclaration en pdf, a été diffusé : cet outil à usage interne n’a pas de valeur juridique, mais peut – dans la mesure où la Commission européenne n’a pas jugé utile de permettre aux opérateurs et autorités douanières de disposer d’un modèle de déclaration – y accéder en DTI. En EDI, le prestataire pourra s’inspirer du modèle diffusé pour le proposer à ses clients. C’est un document utile en ce sens qu’il permet de « ramasser et d’organiser » de manière plus visible les différents écrans d’une déclaration qui parfois peut être longue s’agissant des messages qui sont envoyés dans le système pour la constitution de cette déclaration (sur ce masque-pdf, voir également ci-dessous).
 
Calendrier prévisionnel :
  • Novembre 2024 : mise en service de la V1 ;
  • Transition pour les opérateurs : 6 mois ;
  • Mai 2025 : fin de la période transitionnelle.
 
S’agissant du calendrier, dans la V1 (la version iso-fonctionnelle précitée), toutes les fonctionnalités ne seront pas disponibles : il n’y aura pas le dédouanement en deux temps avec la déclaration complémentaire et la déclaration récapitulative (qui permet de récapituler un ensemble de déclarations simplifiées) arrivera plus tard, tout comme les inscriptions dans les écritures du déclarant (IED) ou le BAE partiel. Ces fonctionnalités n’existent pas actuellement dans Delta G, mais seront embarquées dans des versions ultérieures en 2025. Toutefois, en novembre 2025, la version sera mise en service avec une transition a priori de 6 mois (donc jusqu’en mai 2025) permettant aux opérateurs d’utiliser le nouvel applicatif (une fois qu’il aura basculé dans Delta IMPORT, un opérateur ne pourra plus utiliser Delta G ni Delta X).
 
Dès à présent, et c’est avec les V7 et V8 du dernier contrat de service opérateurs (CSO) de décembre 2023, Delta T est étoffé de toutes les fonctionnalités qui étaient en attente et ont été intégrées du fait de la stabilisation du périmètre applicatif. Sera donc déroulé désormais tout le travail d’accompagnement qui passe par des rendez-vous avec les opérateurs sur des points spécifiques, par la diffusion d’instruction (à partir de mars 2024) et par la certification des opérateurs de connexion. C’est toutefois un calendrier à stabiliser et il sera communiqué aux opérateurs.
 
Et les procédures de secours ? Alban Gruson de Conex rappelle que des pannes des systèmes électroniques sont possibles et que, par le passé, la Commission européenne avait déterminé des procédures de secours avec des documents définis et dans certains cas des mentions spéciales à porter sur ceux-ci, puisqu’il n’y avait pas, par définition en cas de panne des systèmes, de MRN. Cela permettait ainsi une uniformisation de la réglementation et des supports. Or, parce qu’il n’y a désormais plus de support, chaque État membre va constituer le sien et il n’est pas obligatoire que les autres États membres le reconnaissent. Comment alors valider une sortie dans de bonnes conditions, s’agissant par exemple d’une exportation de France qui sortirait par Anvers ? Il s’agit d’un problème réaliste de terrain et une réflexion serait à porter sur les « laissées pour compte » que sont les procédures de secours au moyen d’une uniformisation documentaire ou autre. Favorable aux procédures de secours à l’échelon européen, Michel Baron indique que la Douane française avait exposé et défendu ce sujet auprès de la Commission qui manifestement ne l’a pas pris en compte. Toutefois, selon lui, le « principe de réalité » implique de s’y intéresser : chaque État va organiser sa procédure de secours « dans son coin », mais il faudra bien qu’un document national produit par un opérateur puisse faire office de déclaration dans un autre État membre. Il ajoute d’ailleurs que la DGDDI est en train de rédiger une procédure de secours qui accompagnera la mise en service de Delta IMPORT. Olivier Thouard, qui représente des RDE, souligne que le problème des procédures de secours existe déjà dans l’UE et qu’il faudrait le résoudre (l’Espagne par exemple refuse systématiquement les documents tamponnés par la Douane française).
Et l’enjeu fiscal ? Olivier Thouard met aussi en exergue ce point : une nouvelle donnée supplémentaire, la donnée fiscale, doit être déterminée dans le champ déclaratif. Or, aujourd’hui, ses clients utilisent notamment le DAU comme preuve à l’export (pour bénéficier de l’exonération de TVA) auprès du service des impôts. Après la disparition du DAU, il y aura donc un enjeu de preuve fiscale et il faudrait s’assurer que les opérateurs soient toujours en mesure de justifier de l’export auprès du fisc.
 
Points d’attention de l’ODASCE sur les procédures douanières 
 
Catherine Amandio, la déléguée générale de l’ODASCE, liste des points d’attention sur l’année en 2024, donc plutôt à l’import. Sur tous ces sujets, une sensibilisation concrète et des formations sont à distiller dans les entreprises auprès des intervenants impliqués : ils vont faire face à un réel changement dans les manières de travailler, dans les documents qu’ils ont l’habitude de voir et dans la façon de faire les déclarations.
 
Quel objectif pour la Commission ?
 
De nouveaux systèmes, des systèmes modifiés ou mis à jour arrivent, le but étant de créer un nouvel écosystème douanier demandé par le CDU qui a pour objectif que tous les systèmes, tous les échanges avec la Douane et entre Douanes soient dématérialisés, mais également que tous les systèmes soient :
  • interconnectés, de sorte qu’on puisse récupérer des information internes de l’un à l’autre, au sein d’un même État membre,
  • mais aussi interopérables, de sorte que ces différents systèmes des États membres puissent « parler » entre eux, soit parce que le système est européen et que tous les États membres s’y connectent, soit parce que des plateformes, des interfaces vont permettre d’échanger les informations.
 
Cela implique des modifications de beaucoup de systèmes. 17 avaient été identifiés par le CDU et devaient être mis en place. Certains le sont déjà, d’autres sont en cours et ce programme s’étend jusqu’au 31 décembre 2025. Des retards existent en France, mais pas que dans cet État, et ont des incidences aussi sur les systèmes internes de la Douane qui doivent être modifiés. Cela implique aussi un suivi des changements pour les entreprises : elles doivent assurer une veille réglementaire et sur les changements qui concernent l’applicatif. Si on sait déjà où veut aller la Commission (via le CDU), la question demeure quant à sa mise en œuvre. Les informations arrivent au compte-gouttes, au fur et à mesure que les systèmes sont développés, et de nouvelles logiques de travail sont donc à intégrer et à adapter en entreprise.
 
ICS et ANTES, quels changements ?
 
La déclaration sommaire d’entrée (ENS) va changer passant de 29 à 200 données. Mais l’évolution concerne surtout ce qui se passe après l’ENS à l’arrivée : des notifications étaient manuelles et tout cela est dématérialisé dans des systèmes communs. Puis suit la présentation en douane avec le système ANTES. Au déchargement, on entre donc dans ce nouveau système qui a vocation à évoluer. Sa première version a pour but de clore la partie sûreté-sécurité. Et c’est déjà un gros changement puisqu’il faudra passer par un prestataire de connexion et pour tous les handlers se connecter sur les ports (en juin 2024) et les aéroports (c’est progressif puisqu’il y a une montée en charge des connexions). Ensuite, on passe aux phases douanières, qui pour le moment ne sont pas encore interconnectées : ICS et ANTES sont interconnectés dans un premier temps, mais une fois le déchargement effectué et qu’on est en IST, les interconnections sont pour plus tard. En revanche, à terme, le but est que tout soit interconnecté et que grâce au MRN (le numéro de suivi) de chaque système, on puisse récupérer les données et qu’elles soient « recyclables » d’un système à un autre. Ce ne sera pas le cas avant fin 2025. À cette date-ci le dédouanent pourrait être bloqué si les phases précédentes n’ont pas été correctement effectuées, ce qui implique pour les opérateurs d’anticiper.
 
Avant-dédouanement à l’import en 2024 : qui est impacté ?
 
Ce sont principalement les transporteurs (qui font les messages sûreté-sécurité) et les représentants, les handlers qui vont entrer dans ANTES, mais aussi les importateurs parce que ce sont les destinataires de la marchandise et parce que, dans le nouveau jeu de données, figurent beaucoup plus d’informations commerciales qu’avant. Certes, nombre d’informations concernent la logistique, raison pour laquelle les transporteurs ou les logisticiens sont majoritairement concernés. Mais on trouve aussi des informations commerciales comme le code SH, les descriptions détaillées des marchandises, le numéro EORI du destinataire réel. Il faut savoir qui fournit la donnée à celui qui va la transmettre et il y a là une incidence claire des Incoterms et la nécessité de revoir les contrats pour savoir qui va donner la bonne information à qui et au bon moment pour qu’elle soit pertinente et de qualité. Bien sûr, tout cela implique aussi de former les personnels concernés : ceux qui vont donner les instructions et, pour les logisticiens, ceux qui vont gérer ses opérations et intervenir dans les systèmes.
 
Quelles évolutions pour le dédouanement ?
 
Le DAU de 1993 disparait : les 56 rubriques de la déclaration en douane sont remplacées par 120 données et jusqu’à 300 sous-données, « mais il ne faut pas avoir peur », rassure la déléguée générale de l’ODASCE : la sous-donnée correspond par exemple à un numéro de la rue. En revanche, il existe certes des données nouvelles à fournir et d’autres qui font l’objet de beaucoup plus de précisions.
 
De plus, pour les opérateurs titulaires d’une autorisation de déclaration simplifiée, les méthodes de travail vont changer également. Avant, on faisait une déclaration simplifiée, puis on la complétait, et enfin on faisait une DCG (déclaration complémentaire globale). Cela disparait aussi : les autorisations de déclaration simplifiée se feront sur une logique de réconciliation (qui remplacera une logique de complétion) : on réalise une déclaration simplifiée et on fait une déclaration complémentaire (avec différentes modalités qui ne seront pas toutes disponibles dès la première version de Delta IE mais qui seront progressivement intégrées, la plus complète étant en 2e partie, c’est-à-dire la déclaration récapitulative).
 
Une nouvelle modalité de dédouanent interviendra également avec le déploiement des inscriptions dans les écritures du déclarant (IED) qui n’étaient pas envisagées avant le CDU. Cette IED existe depuis 2016 mais seulement dans un cas très précis pour pallier la disparition d’une autre facilité douanière avec le CDU en France. L’inscription dans les écritures du déclarant va devenir possible pour beaucoup plus de régimes et permettra donc de dédouaner en inscrivant dans ses propres écritures (et pas dans le système douanier), mais il faudra régulariser par une déclaration complémentaire également. Cette « facilitation importante », selon Catherine Amandio, sera déployée au fur et à mesure (sans doute pas dans la première version), mais les opérateurs doivent l’avoir en tête.
 
Quels préalables pour intégrer les nouveaux systèmes ?
 
Des préalables réglementaires sont d’abord nécessaires : la Douane a déjà diffusé un document indiquant que, dans Delta IE, le numéro EORI serait fondé sur le SIREN et non plus le SIRET. Dans les anciens systèmes, on est sur le SIRET, dans les nouveaux, on sera sur le SIREN : les opérateurs qui ne sont pas des OEA – eux ont les deux – doivent penser à demander le SIREN pour le basculement dans Delta IE, sachant que l’EORI SIRET continuera « à vivre à l’export », puisqu’il continuera d’être porté dans Delta G. Là encore donc, des impacts organisationnels seront à gérer en entreprise entre l’import et l’export pendant un temps avec deux systèmes et des différences.
 
Ensuite, les autorisations doivent être vérifiées. Si les opérateurs ont des autorisations de déclaration simplifiée, il va leur falloir en choisir les nouvelles modalités (déterminer comment faire la déclaration complémentaire) et vérifier toutes les autorisations qui peuvent être liées.
 
Enfin, la mise à jour des garanties doit être effectuée. Des modifications sensibles issues du CDU concernent en effet l’appellation et le périmètre des garanties. Et c’est « un gros sujet » selon Catherine Amandio, puisqu’il faut que ce soit mis à jour pour le basculement dans Delta IE. Actuellement existent le crédit d’enlèvement (CE) et le crédit pour opérations diverses (COD), mais on va passer à une distinction entre des « dettes nées » et des « dettes à naitre ». A priori, c’est à peu près la même chose puisque le CE correspondait à des droits et taxes dus et le COD aux régimes particuliers... sauf qu’il y a des changements de périmètres et que des éléments qui étaient dans le COD vont basculer dans les dettes nées et notamment les D48 (utiles pour les documents manquants par exemple), les admissions temporaires (AT) ou les destinations particulières (DP) en exonération partielle, c’est-à-dire les cas où potentiellement des droits pourraient être dus (si on ne satisfait pas à une obligation de ce régime). Dans les dettes nées, on distingue celles exigibles et celles non exigibles. La première catégorie correspond à la mise en libre pratique, mise à la consommation. La seconde correspond aux autres cas où potentiellement on doit payer (si la marchandise ne repart pas, si c’est partiel, par exemple des droits antidumping qui passent de provisoires à définitifs et sont d’abord non exigibles et deviennent ensuite exigibles).
 
Un second gros changement concerne le suivi des garanties : actuellement, on suit tout dans TRIGO, mais à terme, si les dettes nées seront toujours dans TRIGO, les dettes à naître (l’actuel crédit d’enlèvement) seront à suivre en interne. Là aussi il est nécessaire d’assurer une responsabilisation plus importante et de mettre en place d’un outil de gestion des garanties dans l’entreprise, la Douane opérant des vérifications périodiques. Des instructions et notes de cette administration devraient être diffusées. Enfin, un basculement des garanties dans un système européen est prévu : si avant les demandes étaient nationales, elles doivent maintenant passer par le système CDS (système européen dans lequel basculent petit à petit les demandes d’autorisation). À partir du 11 mars 2024, les pôles de gestion des procédures de la Douane vont contacter les opérateurs pour organiser progressivement cette bascule que ces derniers doivent toutefois anticiper (en examinant le périmètre pour savoir s’il est impacté, en revoyant les montants à cautionner entre dettes nées et à naitre et – nouveauté encore – en assurant la ventilation qui se fera par régime et procédure) et dont il leur faudra en assurer le suivi en interne. Delta IE ne gèrera pas les dettes à naître : il n’y aura pas de lien avec TRIGO les concernant. Michel Baron précise sur ce point que la Douane va définir des critères pour que les pôles de gestion des procédures puissent programmer un calendrier de révision en fonction de l’activité des opérateurs puisque, selon les profils des opérateurs, l’actualisation des garanties va occasionner un « travail significatif ». Il ajoute s’agissant des audits des services des douanes que cela sera « prochainement détaillé ».
 
Quelles données dans la déclaration d’import ?
 
Si plus de données sont exigées dans cette déclaration, elles sont en revanche plus lisibles, selon la déléguée générale de l’ODASCE. Des groupes de données spécifiques par thématiques permettent une meilleure lisibilité des informations et notamment des intervenants (on pourra savoir qui est l’importateur, l’exportateur, l’acheteur, le vendeur, le représentant, le déclarant : tout est bien détaillé dans des cases différentes), des autorisations ou des informations additionnelles. Et s’il y a plus de données, il y a aussi plus de précisions ce qui peut être profitable (par exemple s’agissant du pays d’origine et de celui d’origine préférentielle qui sont dans deux cases distinctes). Il faudra s’approprier toutes ces données, « mais ce n’est pas non plus une révolution », confirme Catherine Amandio : beaucoup de choses connues dans le DAU se retrouvent dans le jeu de données. Des éléments nouveaux sont certes ajoutés, mais, pour beaucoup, ils relèvent de « l’éclatement de données » à nouveau pour plus de lisibilité et de précision.
 
PoUS (proof of Union Status) : outil européen pour la preuve du statut douanier des marchandises de l’Union
 
Une marchandise sur le TDU est présumée avoir le statut union et être libre de circulation, sans formalité. Mais dans certaines situations, indique Michel Baron, même si elle est statut Union, l’opérateur doit prouver ledit statut UE auprès des autorités douanières. C’est notamment le cas des marchandises de l’UE qui circulent entre deux points du territoire douanier de l’union (TDU) en quittant temporairement ce territoire : la Douane délivre alors des documents T2L et T2LF afin de justifier du statut Union du départ à l’arrivée, de sorte qu’à l’arrivée ces marchandises n’aient pas à faire l’objet de déclaration, n’aient pas à être dédouanées. Concrètement, il s’agit de flux entre la métropole et l’Outre-mer puisqu’on a un emprunt d’un territoire maritime qui n’est pas situé dans le TDU (actuellement, 150 000 flux pour les deux sens sont concernés et, même si c’est marginal, c’est à signaler). Jusqu’ici la gestion de ces documents se faisait de manière manuelle, mais l’UE a mis en place le dispositif « PoUS » (prononcé « pouce »). La Douane et les opérateurs utiliseront donc cet outil pour permettre la dématérialisation de leur délivrance. Pour les flux métropole-DOM et DOM-métropole, dans le cas de France-France, ce système ne sera pas requis : on maintient la simplification consistant à retenir que, dès lors que l’opérateur au départ de métropole ou du département d’outre-mer établit une déclaration (en douane) CO avec une codification spécifique, il est dispensé de la présentation de la preuve au travers d’un document T2L ou T2LF. En revanche, pour les autres cas, lorsqu’une marchandise quittera la France à destination d’un autre point du TDU avec emprunt d’eaux internationales par exemple, l’opérateur devra la déclarer sur cette déclaration CO et en plus obtenir le T2L ou T2LF dématérialisé pour que l’autorité douanière à destination puisse considérer qu’elle ne fait pas l’objet de formalité. PoUS est donc un outil transeuropéen auquel sont connectées les autorités douanières qui simplifie à la fois la délivrance et la vérification à destination.
 
Une slide de la présentation de la Douane sur PoUS mentionne encore un impact concernant les opérateurs qui doivent se faire habiliter sur cet outil (son accès se faisant via le portail UUM&DS) et indique enfin que la dématérialisation du manifeste maritime constituera la prochaine étape en août 2025.
 
L’EUR.1 atteste-t-il du statut UE de la marchandise ? Oui, répond Michel Baron qui ajoute qu’au mois de février 2024 une instruction sera diffusée par la Douane pour « bien cadrer » et « détailler » les documents qui apportent la preuve du statut UE de la marchandise.
 
 
Source : Actualités du droit