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Accompagnement des opérateurs par la Douane : du neuf, des chiffres et des témoignages

Transport - Douane
14/04/2022
Outils de sécurisation des « fondamentaux douaniers » à l’importation notamment, les renseignements contraignants sur l’espèce, sur l’origine, et même ceux existants ou à venir sur la valeur aident et vont aider plus massivement les opérateurs. C’est ce que réaffirme la Douane qui met ainsi en avant sa mission économique d’accompagnement des entreprises lors d’un webinaire du 7 avril 2022. Une occasion aussi pour cette administration – chiffres et témoignages d’entreprise à l’appui – de rappeler son rôle de partenaire des opérateurs en matière de suspensions et contingents tarifaires, sources parfois encore méconnues d’économie en termes de droits de douane.
 
Loin d’être nouvelle, la mission économique d’accompagnement des opérateurs par la Douane est fondamentalement liée à la défense de leurs intérêts économiques. Cela passe par la mise à dispositions d’outils destinés à sécuriser leurs opérations, tels les renseignements contraignants sur les « fondamentaux » que sont l’espèce l’origine et la valeur. Et cela passe aussi par l’aide à la réalisation d’économies de droits de douane via par exemple les suspensions et contingents tarifaires autonomes. Ce sont là les sujets du webinaire du 7 avril dernier qui s’est tenu lors des journées d’accès aux marchés organisées par la DG Trésor.
 
Sécuriser les opérations douanières : RTC, RCO, AVD et bientôt RCV
 
Renseignement tarifaire contraignant (RTC)
 
L’espèce de la marchandise est la première notion à connaître : c’est sur elle que reposent les droits de douanes, la TVA et les mesures de défense commerciale, etc. Après avoir exposé les différentes nomenclatures existantes, Dylan David, responsable de la cellule nomenclature à la DGDDI, rappelle que le RTC qui constitue en droit français un « rescrit » (et qui est opposable aux douanes de l’Union) connaît toujours un franc succès. En effet, en 2021, la Douane française est la deuxième administration dans l’UE en matière de délivrance des RTC (7 8410), après l’Allemagne (23 187) et avant la Pologne (1 431). Elle est aussi dans le « Top 3 » des États membres délivrant des RTC au meilleur taux de fiabilité depuis plusieurs années (en 2021, seul 1,35 % des RTC délivrés par elle a été révoqué pour erreur de classement).
 
Pour mémoire, c’est le SND2R (voir notre actualité), composé de 30 personnes, qui est compétent pour la délivrance des RTC et, depuis le 1er février 2022, la procédure est à 100 % dématérialisée via Soprano-RTC (cette date a donc marqué la fin des envois papier). Enfin, les délais de délivrance connaissent une réduction de 120 à 70 jours pour les OEA (voir notre actualité).
 
Bon à savoir ! En cas de modification du SH s’agissant d’un RTC qui a été délivré, ce renseignement est invalidé automatiquement par la base communautaire et son titulaire en est informé automatiquement par courriel à l’adresse mail renseignée par lui sur son compte douanes.gouv.
 
Renseignement contraignant sur l’origine (RCO) et focus sur le « Service de l'Origine et du Made in France » (SOMIF)
 
S’agissant de la sécurisation de l’origine, le RCO est le pendant du RTC. Il est ouvert à tous, avec un traitement prioritaire pour les OEA (qui doivent spécifier leur statut lors du dépôt de la demande de renseignement), et même aux entreprises établies hors du territoire douanier de l’UE si elles disposent d’un numéro EORI. Un représentant en douane enregistré (RDE) peut aussi déposer une demande pour son client.
 
En chiffres, depuis 2017, les RCO délivrés ont connu une augmentation de plus de 63 % : un « succès », selon Karine Treille, adjointe au chef du bureau Comint3 de la DGDDI, qui s’explique notamment par le nombre croissant des accords d’association/de libre échange et donc un besoin de plus en plus grand de sécurisation de l’origine.
 
À cela s’ajoute depuis 2016 la montée en puissance de l’IMF, la procédure de la Douane française relative à l’Information sur le Made in France : elle ne correspond pas à une « décision douanière » mais à un « avis technique » pour les entreprises qui veulent avoir une assurance technique que le produit est bien fabriqué en France et peuvent obtenir  un « made in France » indiquant qu’il respecte les règles de l’origine non préférentielle (ONP) qui sont le socle juridique pour le marquage (2 150 IMF délivrées depuis 2016). Cette procédure-ci a d’ailleurs connu un grand succès notamment depuis la période de pandémie liée au Covid-19 (+ 30 % de demande). Enfin, la Douane a été fortement sollicitée s’agissant du « fabriqué en France » pour fiabiliser plusieurs centaines de candidatures.
 
La création du SOMIF, le « Service de l'Origine et du Made in France » par un décret du 13 janvier dernier (voir notre actualité) est soulignée : il s’agit d’une équipe spécialement formée de 6 personnes destinée à la délivrance de masse des RCO et IMF. Au-delà de la simple délivrance des RCO/IMF, c’est un « accompagnement personnalisé » qui est proposé aux opérateurs s’agissant de l’appréhension des accords et d’une meilleure maitrise et utilisation de ceux-ci. L’accompagnement est d’autant plus utile que 84 % des entreprises qui utilisent les IMF sont des TPE-PME peu aguerries aux procédures douanières auxquelles il faut donc les familiariser. Le SOMIF commence à fonctionner début mai 2022. Il est précisé, pour les entreprises qui travaillent déjà avec les PAE (pôles d’action économique de la Douane) que, si elles ont des questions sur un accord commercial, elles doivent se tourner vers ces PAE qui restent leurs contacts : le SOMIF est principalement dédié aux RCO et IMF et n’a pas vocation à répondre à toutes les questions sur l’origine.
 
Coordonnées du SOMIF :
Directions régionale des douanes
Services de l’Origine et du Made in France
8, rue de Rabanesse
BP 10430
63012 Clermont-Ferrand Cedex 1
Pour toutes les questions en amont du dépôt d’un RCO et pour le suivi des demandes en cours : somif-RCO@douanes.finances.gouv.fr
 
La demande et la délivrance de RCO ne sont pas dématérialisées, mais il existe un projet de téléservice de la Commission européenne pour 2025 sur le modèle de ce qui existe pour les RTC.
 
Bon à re-savoir !
Pour se renseigner sur les règles de « made in » à destination, donc dans le cas d’une exportation, il faut contacter le SER (service économique de l’ambassade) du pays d’exportation, les règles d’origine n’étant pas les mêmes d’un pays à l’autre ; il est d’ailleurs rappelé que les attachés douaniers ont distribué des flyers sur les bons réflexes à avoir à l’exportation.
Outil d’aide pour l’origine, la base Access2markets de la Commission européenne est rmentionnée : son module ROSA (rules of origine self-assessment) permet, à partir d’une série de question en fonction du couple pays-produit, de se faire une première idée de l’origine et il convient ensuite de sécuriser juridiquement ce résultat avec un RCO. Bien sûr, les PAE sont également compétents pour répondre à ces questions.
 
De l’avis sur la valeur en douane (AVD) au renseignement contraignant sur la valeur (RCV)
 
S’agissant de la sécurisation de la valeur en douane, les opérateurs français disposent déjà de l’avis sur la valeur en douane (AVD). Rédactrice à la DGDDI, Ana Verron rappelle que cette procédure purement française correspond elle aussi à un rescrit (donc opposable à la seule Douane française, mais pas à celles des autres États membres) qui demeure valable tant que le schéma opérationnel ou la législation ne change pas s’agissant de la méthode de détermination de la valeur, de ses éléments ou des simplifications à mettre en place. S’ajoutent aussi en termes de rescrits nationaux au regard de la complexité de la réglementation sur la valeur, les AJ (autorisations d’ajustement) et les AVP (autorisation sur la valeur provisoire). Dans ces trois hypothèses, la Douane accompagne là aussi les opérateurs. Le dépôt de la demande d’AVD se fait par simple courrier auprès du PAE ou du Service grands comptes (SGC).
 
Actuellement, les textes sur le renseignement contraignant sur la valeur (RCV) sont en cours d’élaboration/finalisation mais, à l’horizon 2025, selon Ana Verron, cette procédure de RCV (qui remplacera donc celle de l’AVD) sera mise en place au niveau de l’Union européenne favorisant une application et une interprétation uniformes. Son périmètre concernera les différentes méthodes d’évaluation et les éléments qui la composent. En revanche, les autorisations de simplification (d’ajustement, AJ, et de valeur provisoire, AVP) resteront délivrées par les États membres. La validité des RCV sera de trois ans et ils seront publiés sur les plateformes EBTI et Traders Portal de la Commission européenne.
 
Remarques
Le CDU actuel ne comporte aucune disposition s’agissant d’un renseignement contraignant sur la valeur, mais il ouvre la voie à ce type de renseignement.
 
Suspensions et contingents tarifaires autonomes : soutien douanier
 
Les suspensions et contingents sont des instruments de politique commerciale peu connus des entreprises qui pourtant leur permettent d’importer des marchandises sans payer de droits ou éventuellement des droits réduits sans passer par un accord de commerce : elles peuvent ainsi bénéficier d’une suspension ou d’une réduction de droits de douane sans avoir à « sourcer » leur produit dans le cadre d’un accord ni à assurer le suivi de gestion de l’origine préférentielle, souligne Karine Treille. Elle rappelle que, si les deux types de mesure permettent une réduction de droits de douane à l’importation, la différence entre les deux porte sur la quantité de marchandises concernées : pour les suspensions, la quantité est illimitée ; pour les contingents tarifaires, elle est déterminée/limitée à l’avance parce qu’il existe déjà une quantité de marchandise disponible dans l’UE mais pas dans une quantité dont on a besoin et l’idée est qu’on garde un équilibre entre aider les entreprises importatrices et protéger celles qui pourraient fabriquer ces produits dans l’UE.
 
En 2021, les sociétés ayant dédouané en France ont économisé 208 millions d’euros grâce à l’utilisation d’une mesure de suspension et 7 millions avec une mesure de contingents (sachant que l’année précédente le montant cumulé était de 140 millions, la progression est donc sensible). Au niveau de l’UE, il existe 2 236 suspensions et 123 contingents actuellement en vigueur.
 
Demande d’une suspension tarifaire
 
Demander une suspension (et l’obtenir) constitue une « procédure longue », selon Léa Scalia du Bureau Comint3. Mais, ajoute-t-elle, si les entreprises remplissent les conditions, elles peuvent contacter la Douane (dg-comint3-suspensions@douane.finances.gouv.fr) qui les accompagne gratuitement tout au long de celle-ci. Il leur faut anticiper (la Commission fixant un calendrier strict) et donc déposer une demande en amont – un an à l’avance – via les formulaires disponibles sur le site de la Douane (les informations saisies transmises à la Commission demeurent confidentielles). La Commission impose deux cycles semestriels et il faut aussi « être patient ». Après le dépôt de la demande, la Douane examine sa recevabilité : des échanges ont lieu entre cette administration et l’opérateur pour qu’elle s’assure qu’il remplisse bien les conditions de la mesure et que le dossier soit complet pour être transmis à la Commission. Suivront 3groupes de travail à un mois d’intervalle dans le cadre desquels le Bureau Comint3 défend la demande et porte les intérêts des opérateurs français devant la Commission : c’est un lieu de négociation et le but est d’arriver à un compromis ; en cas de désaccord, c’est la Commission qui tranche. Si les demandes sont acceptées, des règlements fixant les suspensions sont publiés au JOUE au 1er janvier et 1er juillet (les opérateurs doivent informer leur déclarant du code TARIC attribué par ces règlements faisant bénéficier la marchandise d’une suspension). Il n’y a pas de priorité pour les opérateurs qui ont initié la demande, la suspension bénéficie à tous dans l’ordre d’arrivée avec la méthode PAPS (« premier arrivé, premier servi »).
 
Exemple
Le responsable adjoint aux affaires internationales au sein de la fédération France Chimie rappelle l’utilité particulière des suspensions dans ce domaine en estimant, pour la période 2013-2018, que l’économie de droits de douane représente 10 millions d’euros, mais que beaucoup d’entreprise n’ont pas connaissance de ce gain possible (les produits chimiques sont les premiers produits exportés de France en valeur – 70 milliards exportés de France en 2021 sur les 90 milliards de production totale – et cette production nécessite des « intrants » importés très souvent de pays tiers avec lesquels l’UE n’a pas d’accord, et notamment de Chine, qui représentent 56 milliards d’euros).
Les adhérents de cette fédération sont en grande partie des PME-TPE, qui n’ont pas forcément les compétences douanières en interne pour gérer ce type de procédure, et dans l’accompagnement de ces opérateurs pour les suspensions et contingents, le bureau Comint3 est perçu comme un intermédiaire disponible et réactif qui apporte une « aide » et une « expertise », notamment sur la forme des demandes à remplir et sur les délais à respecter (ce bureau a aussi permis de solliciter des experts sur la nomenclature à l’occasion de demandes). S’agissant de la procédure d’obtention des suspensions et contingents, si les formulaires peuvent paraître déroutants, les choses se clarifient grâce aux lumières apportées par ce bureau qui est aussi un soutien aux opérateurs quant aux réponses à apporter aux questions posées par la Commission.
 
Procédure d’opposition aux suspensions
 
C’est ici la défense des intérêts de producteurs dans l’UE et en France qui pourraient être impactés négativement par une suspension que soutient la Douane. Léa Scalia rappelle que pour qu’un opérateur puisse s’opposer à une suspension, il lui faut remplir deux conditions : qu'il produise une marchandise identique, équivalente ou de substitution d’une part, et que cette production soit disponible et non liée par contrat, en quantité suffisante, d’autre part. Il est possible de s’opposer à tout moment à de suspensions existantes mais il est plus facile de s’opposer aux suspensions avant leur entrée en vigueur.
 
Un travail de veille est nécessaire pour s’opposer à une demande de suspension et la Douane facilite ce travail pour les opérateur en mettant en place des listes de diffusion à destination des entreprises et fédérations ; ces listes lui servent à les contacter au début de chaque cycle de négociations (l’inscription à la liste de diffusion se fait via dg-comint3-suspensions@douane.finances.gouv.fr ; le contact consiste en une diffusion d’un lien vers le site de la Commission qui comporte deux onglets notamment à consulter : l’un sur les suspensions en préparation et l’autre sur les contingents en préparation (la veille se fait ensuite par codes des marchandises).
 
Exemple
L’accompagnement efficace de la Douane en matière d’opposition à une suspension est illustré par le directeur général de l’Union des producteurs de bananes de Guadeloupe et de Martinique (UGPBAN). Il évoque la connaissance qu’il a eu en 2021 d’une demande des Pays-Bas pour introduire une suspension de droits sur des bananes non conformes aux normes de commercialisation afin de fabriquer de la purée de banane. L’UGPBAN a alors pris l’attache de la Douane pour construire le dossier d’opposition et remplir les formulaires adéquats. Les échanges avec cette administration ont été nombreux et fournis et cette Union, qui n’était pas familière de cette procédure, a bénéficié d’un accompagnement expert pour développer ses arguments d’opposition et présenter son offre de produit correspondant disponible. Cette offre a été portée par la Douane devant la Commission qui en définitive a rejeté la demande de suspension.
 
Plus d’information dans Le Lamy Guide des procédures douanières, sur le RTC (voir no 330-40 et s.), sur le RCO (voir no 355-2 et s.), sur l’AVD (voir no 360-22) et sur les suspensions tarifaires (voir no 410-56 et s.). Les éléments du webinaire ici rapporté sont intégrés aux numéros concernés dans la version en ligne des ouvrages sur Lamyline dans les 48 heures à compter de la publication de la présente actualité.
 
 
Source : Actualités du droit